Les Personnages de la Chambre Épisode 6: Jean-Claude Poissant

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Les Personnages de la Chambre Épisode 6: Jean-Claude Poissant
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Dans ce balado, Jean-Claude répond aux questions suivantes :

  • Qu’est-ce qui vous a incité à vous présenter en tant que candidat?
  • Qui sont les figures politiques que vous admirez et pourquoi?
  • Comment vos proches ont-ils réagi à votre volonté d’entreprendre une carrière politique?
  • Pouvez-vous me parler de votre processus de nomination?
  • Vos objectifs étaient de faire connaître les familles d’agriculteurs ainsi que leurs défis. Pourquoi?
  • Pouvez-vous expliciter votre processus d’intégration?
  • Quels sont les défis auxquels vous avez fait face en faisant valoir les intérêts de votre circonscription?
  • Comment avez-vous géré les manifestations qui ont eu lieu sur la Colline du Parlement?
  • Comment votre expérience en tant que conseiller municipal et agriculteur de quatrième génération vous a-t-elle préparé pour le rôle de député?
  • Quelle était votre relation avec le chef de votre parti?
  • Qu’est-ce qui vous a surpris en tant que député?
  • Pouvez-vous me parler de l’autonomie des député.e.s? 
  • Est-ce que votre parti s’attendait à ce que ses priorités passent avant les demandes de votre circonscription?
  • Avez-vous fait face à la toxicité en ligne dans ce rôle?
  • Votre identité a-t-elle été prise en compte dans votre travail?
  • Comment selon vous les questions relatives à la langue ont-elles été perçues et priorisées?
  • Pouvez-vous décrire les points forts de votre mandat?
  • Pouvez-vous décrire votre processus de désengagement? 
  • Comment votre séjour à la Chambre des communes vous a-t-il changé?
  • Avez-vous des recommandations pour améliorer l’expérience des député.e.s? 

Script de l'épisode

Chloë Hill: Salut, bonjour, je m’appelle Chloë Hill. Je vous remercie d'écouter Les Personnages de la Chambre, une baladodiffusion du Centre Samara pour la démocratie. Dans ce balado, nous ne parlons pas seulement des député.e.s, nous nous adressons directement à eux et à elles. Nous creusons sous la surface pour apprendre ce que représenter sa communauté dans la capitale de notre pays signifie vraiment. Nous voulions tout savoir : ce qui se passe en coulisses, y compris les drames et les intrigues politiques. Mais surtout, nous voulions découvrir les député.e.s en tant qu'êtres humains ayant leur propre histoire à raconter.

Dans cette série en six parties, nous entendrons les témoignages d'anciens et anciennes député.e.s des 42e et 43e législatures du Canada, c'est-à-dire des parlementaires qui ont quitté leurs fonctions entre 2015 et 2021. Nous découvrirons leur expérience à la Chambre des communes et entendrons leurs conseils sur la façon d'améliorer l'expérience d'un ou une député.e, pour la personne qui porte le titre, mais aussi pour nous, le public qu'ils servent.

L'épisode d'aujourd'hui présente Monsieur Jean-Claude Poissant, qui a représenté la circonscription québécoise de La Prairie à la Chambre des communes pour le Parti Libéral du Canada entre 2015 et 2019.

Ayant été impliqué au niveau municipal avant de se présenter en politique fédérale, Jean-Claude est un fier agriculteur de quatrième génération. Dans cet épisode, Jean-Claude explique les parallèles entre l'agriculture et la politique et démontre sa capacité à trouver le positif dans chaque situation.

Voici notre discussion!

Chloë Hill: Grâce au sondage, vous aviez dit que vous n'aviez pas grandi dans un foyer politique, alors je me demande qu'est-ce qui vous a incité à vouloir vous présenter en tant que candidat?

Jean-Claude Poissant: Écoutez, j'ai un parcours assez atypique que je peux dire. J’ai dû cesser l'école à l'âge de 15 ans, ma mère est tombée malade sur la ferme et mon père m’a demandé de pouvoir poursuivre avec lui les travaux pour pouvoir garder la ferme. Et par la suite, je me suis tranquillement, en m’incorporant dans l'entreprise, je me suis, j’ai commencé à m'impliquer un peu partout. Puis, j'ai syndrôme de pas être capable de dire non, comme plusieurs. Ça fait qu’on se ramasse dans plusieurs comités. Et puis, les gens nous remarquent et puis à un moment donné, on vous approche justement pour vous dire, « écoute, tes idées sont bonnes. J'aimerais ça que tu viennes en politique ». Pour commencer, c'était aux municipales, j'ai fait du municipal. Et puis, la première fois qu'on m'a posé la question, j'ai dit non. Mais peu importe, c'était la première fois je pense que je disais non. Et puis, avec le temps, mais ils sont venus me voir quatre ans plus tard, puis là j'ai embarqué. J'ai toujours été impliqué au niveau des partis politiques, surtout libéral, que ce soit au provincial ou au fédéral. Et puis, c'est comme ça qu'on embarque tranquillement, sans s'en rendre compte en politique. Mais tous les organismes qu'on embarque aussi il y a de la politique dans ces organismes là. Il y a des méthodes qui se ressemblent énormément. Quand on regarde l'organigramme, d'un ensemble politique où peu importe l'organisation, il y a un organigramme qui se ressemble beaucoup. Puis les décisions se prennent à partir de la base, il faut les monter par la suite. Tout simplement.

Chloë Hill: Et qu'est-ce qui vous a mené à vouloir vous présenter? Vous avez commencé dans le municipal, qu'est-ce qui vous a encouragé encore là, à vouloir participer?

Jean-Claude Poissant: C’est parce que, vous savez la municipalité que j'habitais à ce moment-là, c'est à Saint-Philippe, où est la ferme de mes ancêtres que je suis la quatrième génération. Mon fils, c'est la cinquième qui l'a pris. Il n'y avait pas d'agriculteurs sur le conseil avec un territoire de 92% agricole. Et quelques décisions m'ont amené à me poser des questions, de dire « hey ho, ça ne se fait pas en agriculture. Qu'est-ce que vous êtes en train de faire? » Fait qu'on va aux assemblées, on débat, on commence par débattre notre point de vue, puis à un moment donné, mais on se rend compte qu’ils ont besoin de l'expertise. Puis, tranquillement, on embarque. C'est le maire de l'époque qui était venu pour me chercher et il est décédé, on l’a enterré il y a environ deux semaines. Et puis il dit: «  Écoute Jean-Claude », il dit, « ça fait plusieurs fois que tu viens à l'assemblée, puis, qu'est-ce que t'apporte, ça fait du bien et on a besoin de ça ». Fait que, c'est lui qui a été la première personne qui a cru en moi, de me présenter en politique. Et puis, je garde un très bon souvenir de Gaétan Brosseau. C'était mon, un ami que j'ai suivi en politique fédérale par la suite et provinciale, il était lui aussi impliqué.

Chloë Hill: Et en plus de Gaëtan, est-ce qu'il y a d'autres personnalités politiques que vous admirez ou qui vous ont incité..?

Jean-Claude Poissant: Oui, oui, oui. Écoutez, j'ai eu la très grande chance de connaître Madame Reine Hébert. Madame Reine Hébert qui a travaillé en politique depuis sa jeunesse, depuis ses tout débuts. Elle était chef de cabinet de certains ministres et à la fin de ses engagements, elle était au bureau de Jacques Saada, qui était mon député à l'époque de Brossard—La Prairie. Un homme très accueillant, très bonnes idées. J'ai encore soupé avec lui, avant hier, on a gardé contact. Et encore aujourd'hui, il me donne des conseils. C'est un homme sage. Ce sont des personnes qui m'ont marqué en politique, surtout, je vous dirais, Monsieur Brosseau, Madame Hébert et Monsieur Jacques Saada étaient vraiment les personnes qui m’ont marqué en politique.

Chloë Hill: Et quelles sont leurs qualités qui vous viennent à l'esprit?

Jean-Claude Poissant: Jamais mal pris, toujours des idées innovantes. En politique, tout comme en agriculture, il faut toujours avoir un plan B. Et puis une des choses que j'ai appris, c'est d'être résilient parce que sur une ferme, on est habitué à être résilient, mais différemment. On agit avec la nature, on agit avec les animaux, on agit avec les récoltes, mais avec le monde, l'interaction n’est pas vraiment là. Tandis qu’en politique, c'est vraiment d’avoir de la résilience avec les gens, c’est pas tout le monde qui en a!

Chloë Hill: C’est sûr! Et comment est-ce que vos proches ont réagi à votre volonté d'entreprendre une carrière..?

Jean-Claude Poissant: Ah bin, premièrement, mon fils arrivait sur la ferme, ça faisait cinq ans qu'il est arrivé pour prendre l’entreprise, il avait fait ses études. Et puis, il en manquait encore, pour dire que je parte pour aller au fédéral. Parce que là je quittais complètement, c'était pas comme le municipal, puis on y va les soirs, et puis j'ai ma conjointe et tout. À l'époque, j'étais sur sept comités, et puis, à un moment donné, quand on m'a approché, on en parle à notre conjointe, en partant. Et la première chose qu’elle m'a dit, « ça ne change pas grand chose, t’es jamais là. Le jour t’es à la ferme, et le soir t’es en réunions!  ». Fait que, elle a dit « en tout cas, je t'appuie et vas-y là  ». Et encore aujourd'hui, elle aimerait tant que je sois là encore, mais comme ça, comme ça.

Chloë Hill: Et pouvez-vous me parler un peu de votre processus de nomination?

Jean-Claude Poissant: Oui, ça a été une contestation en fin de compte, l’investiture. J'ai eu l'appui de Madame Hébert qui connaissait le rôle politique de A à Z. Elle m'avait tellement préparé, de vendre des cartes de membres pour avoir le plus de membres qui viennent voter. Et puis, vu que j'étais dans bien des comités dans le comté, ça fait que je n'avais pas de difficulté à vendre des billets, j'en ai vendu, j'en ai vendu. Je pense qu'il y avait 25 membres quand que j'ai pris la, parce que c'est un nouveau comté. Il y avait 25 membres dans le comté, puis j'ai fini avec 600 une fois que j'ai vendu mes cartes. Fait que j’ai dit bon, je pense que je dois être en selle. Puis la dame qui s'est présentée contre moi, elle aussi a vendu une coupe de cent, fait que quand est venu le soir de l'investiture, préparer mon discours avec Jacques Saada qui a complété les intonations pendant que je fasse mon discours. J'ai appris beaucoup et j'ai appris vraiment beaucoup vis-à-vis de la politique, grâce à ces deux personnes là au niveau fédéral. Je pense que c'était ça surtout, être bien entouré. L'entourage est très important.

Chloë Hill: Vous êtes super impliqué dans le secteur de l'agriculture et aussi avec la Fédération des producteurs de lait. Grâce au sondage encore là, vous avez indiqué que vous voulez, comme objectif, vous voulez faire connaître vraiment les familles d’agriculteurs et aussi leurs défis. Pouvez-vous m'expliquer et m'en dire plus?

Jean-Claude Poissant: En 2001, ma conjointe a décidé de faire une nouvelle vie. On passe une petite période un peu difficile à ce moment-là, quand que la conjointe part, deux jeunes enfants. Et puis j'ai eu besoin d'aide. C'est une personne par l'entremise que j'ai connu une dame, Maria Labrecque Duchesneau, qui fondait l'organisme « Au cœur des familles agricoles », un organisme qui vient en aide aux agriculteurs, ou le monde qui travaille dans le milieu agricole en détresse psychologique. Après deux ou trois rencontres, je suis assoupi et elle avait dit « t’as un parcours assez exceptionnel, j’aimerais ça que tu sois le président de l'organisme ». Fait que je deviens président de l'organisme. Par la suite, on a fait des levées de fonds, on est parti de la première maison de répit des agriculteurs au Québec, on a parti les travailleurs de rang au Québec. Donc, tout s'enchaîne. J'étais sept ans à la présidence jusqu'à temps que je sois élu à Ottawa. Puis là, en arrivant à Ottawa, les sept comités que j'étais, je n'avais plus le choix, il fallait que je débarque. Fait que non, c'était de voir, aussi j’ai fait des rapports lors des, de l’enquête Pronovost à l'époque sur l'agriculture, j'avais été déposer des mémoires ou des mémoires pour, comment est-ce qu'on appelle ca, les bureaux du BAPE [Bureau d'audiences publiques sur l'environnement] parce que souvent l'agriculture est oubliée lors de décisions en agriculture, le territoire agricole en tout cas. On le prend comme pour toutes les raisons, mais la bonne raison, c'est de nourrir le monde. C'est notre territoire. Et puis, c'est une genre de, c'est la vocation que je me suis donné, c'est de défendre l'agriculture et les acteurs de l’'agriculture. Quand je suis allé à Ottawa, j'avais un but, deux buts en particulier. C'est d'avoir une politique alimentaire, puis de faire une étude sur les défis psychologiques des agriculteurs et de leurs familles. On est un pays qui produit tellement, qui vend tellement à l'extérieur, c'est incroyable d'avoir la famine qu'on a dans notre pays.

Chloë Hill: Et pour revenir, votre processus d'intégration, vous aviez mentionné que l'accueil du personnel vous a beaucoup aidé. En particulier, qu’est-ce que vous avez trouvé qui était bien? 

Jean-Claude Poissant: Ah non, un soutien extraordinaire, ça c'est sûr et certain là. Je sais pas s’il y en a qui ont eu des problèmes d'intégration. Mais, je pars du plancher de l'étage, au plancher du Parlement dans l'espace de 24 heures, puis le soutien que j'ai eu là, je n’en reviens pas, jusqu'à la toute, toute fin. Toujours, toujours extraordinaire. Même, je m'étais fait des amis. Je me rappelle lorsqu'on était dans l'antichambre j'allais jaser avec les gardiens, on parlait de moto parce que je fais de la moto. On parlait de moto et de la famille, des bons amis. On se fait une famille à Ottawa. 

Chloë Hill: Vous n'êtes pas le seul à me dire ça.

Jean-Claude Poissant: Une des choses que j'adorais alors, c'était le mercredi matin, le caucus provincial. C'est là qu'on passe nos idées, et qu’on peut les pousser, les faire monter.

Chloë Hill: Qu'est-ce que vous avez aimé de ces moments là?

Jean-Claude Poissant: Ben premièrement, je m'organisais pour tout le temps prendre la parole, parler d’agriculture, passer des messages. Beaucoup de députés avaient des régions et ils venaient des régions. Ils savaient qu'il y avait l'agriculture dans leur coin, mais la connaître dans son entièreté, peut-être pas. Ça fait que, j'étais capable de passer des messages.

Chloë Hill: Pour faire passer leurs intérêts, à valoir les intérêts de votre circonscription, avez-vous vécu un peu des défis concernant ça ou les autres étaient pas mal à l'aise et ouverts?

Jean-Claude Poissant: Bin, écoutez, lorsque je suis arrivé…On va regarder le côté agricole. Lorsque j'étais arrivé, on est en pleine crise de lait diafiltré qui est rentré des Etats-Unis. Et puis, j'ai eu la grande chance d'avoir des manifestants venir devant mon bureau, à peine quatre mois après que je sois élu. Avec des vaches, des tracteurs et même mon fils qui était sur un tracteur, qui manifestait. C'est, vous savez, on en a des choses et des décisions à prendre, mais on a toute l'information pour prendre la décision, ce que les gens n'ont pas. Les gens qui viennent manifester, ils ont un côté de la médaille. Donc c’est un bout un peu plus dur, ça. Beaucoup de gens sont revenus me voir par la suite, depuis que je ne suis plus député, pour me dire qu'ils comprenaient mieux, puis qu’ils me remerciaient quand même. Mais ça fait rien sur le coup là, c'est quelque chose. Se faire insulter devant beaucoup de monde, lorsqu'on a passé notre vie à défendre l'agriculture. J'ai siégé au lait, j'ai siégé à l'UPA pendant des années, depuis plus de vingt ans. Fait qu’à moment donné, quand tu vois tout ce monde là, tu dis « hey, je vous ai tous aidé là tantôt, ça se peut que mon jugement c’est pas ce que vous voulez, mais j’ai une raison à ce jugement là ». Quand on parle de l'unité canadienne, on ne parle pas juste de l'agriculture. On parle de tout. 

Chloë Hill: Pouvez-vous rester sur cette manifestation là? quelle était votre implication? Comment avez-vous géré la situation?

Jean-Claude Poissant: La première chose que j'ai faite, parce que c'est une première puis lorsque ça fait quatre mois qu’on est élu on a pas trop de bagages encore, premièrement, j'ai demandé à un de mes collègues qui était voisin, qui était d’un territoire agricole de venir me supporter. Puis c'est ce qu'elle a fait, Madame Brenda Shanahan, elle est venue me supporter les deux fois que j’ai eu des manifestations. Les rencontrer avant de sortir, aller leur parler. Bien les connaître, surtout de bien les connaître. Parce que moi, je me rappelle quand la police a su que ça s’en venait, l'anti-émeute était rendue dans mes bureaux. J'ai dit « Vous autres, vous sortez pas parce que ça va faire la vrai merde là ». J’ai dit, « ça va juste mettre le feu, vous rester à l'intérieur ». Ca fait que l'anti-émeute est restée à l'intérieur. J'ai été voir les producteurs, je les ai laissé parler, je leur ai répondu, même qu'à un moment donné, on m'a offert une… Il y avait amené deux chaudières de lisier qu’ils avaient placées devant moi. Et ils m’ont bien dit, « monsieur Poissant, vous savez c'est quoi ça? ». J’ai dit, « je fais plus de le savoir, que je les sens encore d’ici! ». Fait que, il est parti à rire, ça a détendu l'atmosphère et puis, on a pu parler.

Chloë Hill: Toute une expérience comme vous le dites, quatre mois après avoir été élu!

Jean-Claude Poissant: Et puis j'en ai eu à la fin des négociations avec les Etats-Unis et le Mexique, j’en ai eu une grosse encore là. Les gens proches de moi qui sont venus m'insulter devant tout le monde. Mais on accepte la game. Mais ça, c'est le côté noir de la politique parce que quand j'allais faire des annonces, laissez moi vous dire que le monde aime beaucoup plus ça. Lorsqu'on va faire des annonces de plusieurs millions de dollars, puis les belles entreprises qui vont faire annoncer ça, qu'on va annoncer, que ca soit pour une province, peu importe. C'est très gratifiant, très, très gratifiant.

Chloë Hill: Est-ce que votre expérience, avoir été conseiller municipal et aussi étant un agriculteur de quatrième génération, comme vous l'avez dit. Comment est-ce que ces expériences vous ont préparé pour le rôle de député?

Jean-Claude Poissant: Casser la gêne. Parce que je ne sais pas si vous savez, lorsqu'on est sur une ferme, quand on voit pas beaucoup de gens, à part des fournisseurs, de se lever dans une réunion, puis se mettre à parler, c’est pas évident. Fait que c’est de casser la gêne en partant, ça m'a beaucoup aidé à ça. Et je n'ai pas beaucoup d'éducation, comme je vous ai dit. J'ai à peine fini l'école, je savais écrire et compter là, c'était bien important ça. Mais avec du cœur, on peut aller pas mal loin. Fait que, non, c'est ça, je vous dirais qu’être bien entouré, pas avoir peur de faire des heures. Moi, j'étais en vacances à Ottawa là, parce qu'on ne faisait pas des 100 heures par semaine là. Même que mon personnel, mon personnel me trouvait un peu fatiguant. Parce que quand j'arrivais les fins de semaine, je voulais avoir de quoi d'organisé dans le comté. Les gens me disaient,  « écoute, tu feras pas ça le dimanche ». 

Chloë Hill: À ce stade précoce, dans vos premiers jours ou semaines, aviez-vous une relation avec votre chef de parti?

Jean-Claude Poissant: Non, pas proche, non. C'était pas proche. Écoutez, quand vous avez 173 ou 178 à l'époque, on ne peut pas avoir de relations proches-proches de même là. Mais, lorsqu'il y eu le caucus national, lors du caucus national, on peut prendre la parole devant tout le monde. Mais lorsque le caucus est terminé, on est capable aussi de se faufiler, puis d'aller directement lui parler. Ça m'est arrivé à quelques reprises sur des dossiers agricoles.

Chloë Hill: Et comment est-ce que vous avez été reçu?

Jean-Claude Poissant: Très bien reçu, mais on se pose tout le temps la question,  « est-ce qu’il m’a compris? » Parce qu’il y en a combien qui font comme moi? Hein, ça prend une tête incroyable pour tenir toutes les demandes de chacun. En tout cas, moi je me suis senti écouté. J'ai eu des résultats, mais c'était lent. Mais il y a eu des résultats.

Chloë Hill: Pouvez-vous réfléchir à un moment ou à quelque chose qui vous a surpris en étant député?

Jean-Claude Poissant: Surpris, positivement ou négativement? 

Chloë Hill: Les deux!

Jean-Claude Poissant: Les deux! Et bien, c'est certain. Comme je disais tantôt, quand on fait une annonce, puis que, j'ai une ville en particulier qui avait fait une demande pour tant d'argent et puis elle a eu un appel d’Ottawa pour y dire, « écoute, tu es éligible à beaucoup plus que qu’est-ce que t’as demandé », il dit, « pourquoi tu refais pas ta demande? » Ça fait que, lui, quand il m’a annoncé ça, il était doublement heureux parce qu'il dit, « Regarde, ils ont pris le temps de m'appeler pour me dire ». Parce que c'est sûr qu'on essaye de suivre les dossiers des demandes des villes. Mais on n'est pas au courant des détails. Mais c'est ça, lui là, écoutez, puis s'est rendu un bon ami, même si je suis plus député, on se parle encore et il se rappelle très bien. Dans le négatif, je peux pas dire qu'il y en a pas tant que ça dans le négatif, à part les manifestations qui m’ont marqué un peu. Dans le négatif, bien c’est, c'est plus l'après, parce que vous allez y revenir tantôt là parce que je l’ai dit dans le sondage. Mais dans le négatif, non, non. Je suis une personne qui s'entend avec beaucoup de monde. Ça m'en prend pas mal pour pas que ça fonctionne. Si ça ne fonctionne pas, il faut trouver une solution. Il faut que ça fonctionne.

Chloë Hill: Si on peut parler un peu de l'autonomie des député.e.s, car c'est un sujet qu'on aborde beaucoup dans ce projet ici, avez-vous trouvé que vous aviez assez d'autonomie dans votre rôle?

Jean-Claude Poissant: Probablement que le fait que j'étais secrétaire, j'avais une personne de plus dans le bureau qui chapeautait le bureau du ministre, puis mon bureau. Et puis j'étais vraiment choyé. J'ai eu deux personnes extraordinaires qui m’ont suivi. Puis que j’ai gardé encore des liens, que je rencontre encore aujourd'hui. J'ai fait une campagne électorale dernièrement au niveau provincial, puis il est descendu d'Ottawa pour venir m’aider. Ça fait que, j'ai gardé des liens avec les gens qui ont travaillé à mes bureaux.

Chloë Hill: Je n'étais pas au courant que vous avez, c'est ça, vous avez porté une campagne, vous avez dit provinciale, alors vous êtes toujours mordu!

Jean-Claude Poissant: Oui, mais là, je l'ai fait, comment je pourrais vous dire. Je m'attendais pas de gagner. Je l’ai fait pratiquement par sacrifice, parce qu’ils ne trouvaient personne. Fais que non, j'y étais, puis j’ai dit qu'il arriverait ce qui pourra, simplement.

Chloë Hill: C'est sûr que vous avez une éthique de travail incroyable. Le fait de ne pas dire non, d'être ouvert à n'importe quelle occasion, c'est impressionnant.

Jean-Claude Poissant: Bon, il y en a d'autres comme moi, j’en suis certain.

Chloë Hill: Est-ce que les priorités, alors si on parle de votre parti, est-ce qu’il s’attendait à ce que ses priorités passent avant les désirs et vraiment les demandes de votre circonscription?

Jean-Claude Poissant: Oui, oui, ça c'est sûr, c'est sûr. Puis écoutez, je me rappelle pourquoi j'ai perdu, puis c'était une priorité. Je l'ai vu tout de suite lorsque ça a été dit pendant ma campagne en 2019. C'était sur la Loi 21. Je me rappelle très, très bien. Et puis, dès que monsieur Trudeau a été dire que probablement il contesterait cette loi là, si jamais elle se retrouve là-bas. Dans mon porte à porte, je l’ai vu tout de suite, c'est fini. J'étais rendu au milieu de ma campagne, là je faisais du porte à porte, puis je suis revenu deux ou trois fois, j’ai dit, « regarde, c'est fini, c'est déjà fini ». C'est du non, du non, du non et on me parle de la Loi 21. J’ai dit « regarde là, c'est assez ». Puis j’avais fait plusieurs villes, c'est déjà canné, je ne serais pas réélu.

Chloë Hill: Pouvez-vous me faire la Loi 21, c'était quoi au juste?

Jean-Claude Poissant: Oh, les signes religieux des personnes en autorité, on n'a pas le droit d'avoir de signes religieux. Et mon pays, je pense qu'il défend tout le monde. C'est là qu'on doit être. 

Chloë Hill: Oui.

Jean-Claude Poissant: Puis, c'est plate, c'est plate à savoir parce que le comté avait jamais été libéral, premièrement. C'était une première. Puis, par la suite, tous les maires ont dit, « on n'a jamais eu autant d'argent d'Ottawa ». Fait que, c'est pas parce que je n’ai pas fait ma job. L’argent est rentré dans notre comté, puis là, depuis ce temps-là, il n’y a plus rien qui rentre dans le comté, je le sais là. Je m’informe, et il n’y a plus rien qui rentre dans le comté. Fait que, l’argent va dans d’autres comtés, c’est simple. 

Chloë Hill: Merci. Et on entend beaucoup parler d'incivilités dans la Chambre. Je me demande est-ce que cela vous a affecté dans votre efficacité?

Jean-Claude Poissant: Je n’ai pas été témoin de ça moi. Non, je n'ai pas été témoin d'incivilités. Tout le monde était responsable. Puis eh, on peut en voir un qui s'échappait là, mais c'est n'était pas de quoi, non. Non, par contre, lorsque j'étais en Chambre, vous savez les caméras, ils montrent quand que les personnes parlent, mais qu'est-ce qui se passe autour, on le voit pas. Et des fois, il y a des qui ont des égards d'humeur et on les voit, quand il se passe de quoi. 

Chloë Hill: Oui 

Jean-Claude Poissant: C'est spécial des fois en Chambre.

Chloë Hill: Est-ce qu’il y a un sujet qui, qui vous vient à l'esprit?

Jean-Claude Poissant: Ah, un député, j’aime autant pas le nommer, mais je sais que ça faisait deux ou trois fois qu’il partageait ces sauts d’humeur avec le président. Et puis à un moment donné, il l’avait fait sortir. Puis un autre moment donné, mais avant qu'il le sorte, il est sorti lui-même parce qu'il savait que c'est ça qui s'en venait!

Chloë Hill: Excellent.

Jean-Claude Poissant: Non, c'est ça. Écoute, c'est rien de méchant. C’est quand on croit à qu’est-ce qu'on défend.

Chloë Hill: Et avez-vous fait face à la toxicité en ligne dans votre rôle?

Jean-Claude Poissant: À quel niveau de toxicité?

Chloë Hill: Ah, en ligne, ou même c’est ça, manifestations, ça c’est vraiment face-à-face, mais avez-vous reçu des commentaires…

Jean-Claude Poissant: Ah oui oui, les réseaux, les réseaux sociaux sont très cruels. Ça c'est sûr, sûr. Je comprends pas qu'il n'y a aucun gouvernement qui intervienne pas encore là. On a dû faire intervenir nous autres, justement à cause de menaces. Moi, je m’en rendais pas compte, je disais, « bin ouais, ça va passer, ça va passer ». Mais mon directeur de bureau a dit « non non, tu peux pas laisser aller ça là ». Il a dit, « écoute, ils vont trop loin là ».

Chloë Hill: Et c'était, c'était vous qui les receviez? Les menaces, personnellement?

Jean-Claude Poissant: Oui, oui. Mais je les recevais sur les pages Facebook, sur ma page de député.

Chloë Hill: Et sur la question d'identité, et vous avez mentionné, c’est ça, en termes de diplôme ou une personne, un député, tu sais, de quelle région ils viennent? Vous avez mentionné ça en tant que s'était sous-estimé, je pense. 

Jean-Claude Poissant: Oui.

Chloë Hill: Avez-vous senti que votre identité a été respectée? 

Jean-Claude Poissant: Uh, moi je dis que non. Après avoir, uh, après avoir perdu mon élection là, j'ai appliqué à deux reprises sur deux postes à Ottawa. Le premier, je comprends aussi que je pouvais pas l'avoir parce que je ne suis pas bilingue. Et puis le deuxième, bin on m'a tout le temps dit, « C'est un poste que c'est pas obligé d'être bilingue ». Et puis, à ce poste là, je répondais à tous les critères. J’ai passé le premier, premier stade, j'ai passé le deuxième stade. Puis c'est quand est venu la décision, là j'étais très extrêmement déçu, parce que le déroulement pour appliquer sur l'emploi a duré plus que la normale. Parce qu'ils ne trouvaient pas, ne trouvaient personne pour le, le. Et puis je sais que j’avais les qualifications pour ça. Oui, je parle pas anglais, mais il y a combien de personnes qui ont des postes à Ottawa, qui parlent juste anglais aussi? Ils ne parlent pas le francais. Fait que, c'est comme ça que je le voyais. Et puis, c'est un poste là, depuis qu'il existe dans les années début 80, ça a toujours été un agriculteur sur ce poste là. Puis là, bin, ils ont nommé un fonctionnaire. Parce que, j'ai vu qu’ils ont étendu l'ouverture, parce que probablement, j'ai pensé que j'étais le seul qui avait appliqué dessus. Mais, le fait que j'étais du parti, le parti ont nommé les petits amis, fait qu’il m'ont tassé. Ils ont nommé un fonctionnaire, qui doit avoir des bonnes qualités, mais pour la première fois, c'est pas un agriculteur qui est sur ce poste là. C'est là que ça, là j'ai dit « oups, là là, ils viennent de me perdre ».

Chloë Hill: C’est de valeur.

Jean-Claude Poissant: Ah oui, ça c'est certain. Écoutez, j’aime donner, mais de temps en temps, on peut recevoir aussi.

Chloë Hill: Et aussi sur la question relative à la langue française. Avez-vous rencontré des défis? Pour vous, je pense que c’est l'inverse un peu, c’est dû au fait que vous ne parlez pas l’anglais nécessairement. Mais autrement, avez-vous trouvé que les politiques, les programmes relatifs à la langue française étaient bien reçus, ou priorisés?

Jean-Claude Poissant: Oui, oui. Regardez, premièrement, on parle dans notre langue en Chambre. Peu importe là, on a le droit de parler notre langue. J'ai eu un soutien extraordinaire pour apprendre l’anglais aussi là. J'avais des cours chaque semaine, mais écoutez quand le disque dur est plein, y en rentre plus là! Je n'étais pas capable de l’apprendre, malheureusement! Et puis, ah, c’est plate de même, j'aurais tellement aimé parler anglais parce que j'ai eu à faire sur ma ferme à plusieurs reprises, aller sur des sites pour des pièces de machinerie ou même quoi que ce soit, c'était simplement en anglais. Mais c'est sûr qu'avec le temps, il y a des traducteurs incorporés dans les appareils. C'est beaucoup mieux, mais j’aurais tellement aimé parler l’anglais, c’est certain.

Chloë Hill: Pour revenir aux points forts de votre mandat, vous avez mentionné des rencontres du caucus provincial et on a aussi parlé, c'est ça, un peu de ces moments-là. Est-ce qu'il y en a d'autres? Vous aviez, c’est ça, la prise en Chambre, aussi des annonces sur le terrain. Alors, avez-vous des exemples en particulier à partager?

Jean-Claude Poissant: Ah bin, c’est certain que quand on part en train ou en avion pour aller faire une annonce, et puis qu’on a le fameux passeport vert, c’est quelque chose aussi. Le petit passeport vert là, diplomate c'est quelque chose. Une chose que je peux ajouter aussi, c'est que… Écoutez. Moi là, je suis assez sobre, je ne suis pas un gars qui prend beaucoup de boissons. Je suis assez tranquille. Puis, à tous les soirs, les députés, il y a des banquets tous les soirs, pour toutes sortes de raisons. Puis on me demandait, « Tu viens-tu? Tu viens-tu? » Si ça concernait pas mon, l'agriculture ou des choses de mon comté, j’y allais tout simplement pas. C'est, j'étais, je m'arrêtais à qu'est-ce qui pouvait être utile dans mon travail, point à la ligne. Fait que, non, j'allais pas à tout ça. Puis, il y en a qui, il y en a qui en manquaient pas un, aussi! Bin écoute, ils ont le droit aussi! On était invité à ces cocktails là et tout. J'ai travaillé avec un homme extraordinaire, monsieur MacAulay, qui est un ministre de l'Agriculture à l'époque. Lui, il parlait seulement anglais. Fait que, il riait à chaque fois qu'on allait quelque part. Puis il disait tout le temps, « It’s my secretary, just speak French ». Il disait que moi je parlais seulement et lui parlait seulement anglais puis on se comprenait. Ah oui, j'ai bien aimé Monsieur MacAulay.

Chloë Hill: Et vous avez mentionné aussi un thème c’est d'apprendre la réalité de chacun comme citoyen canadien. Pouvez vous élaborer sur ce point là?

Jean-Claude Poissant: Eh bin, c’est parce qu'on n'est pas toujours de la même idée, hein. Tous les Canadiens n'ont pas tous les mêmes idées. Il faut essayer de prendre le meilleur de ce qu’aux autres, qu'est-ce qui fait dans notre affaire. Mais il y a toujours quelque chose qu'on peut trouver de positif dans ce qu'ils nous disent. C'est de prendre juste qu'est-ce qui fait notre affaire dans le fond. 

Chloë Hill: Excellent et qu'est ce qui ….

Jean-Claude Poissant: …si on venait pas au bout de les faire changer d'idée! 

Chloë Hill: Trop drôle. Et pour les défis, vous avez mentionné que lorsqu'on est secrétaire,  on ne peut pas parenter un projet de loi. Ça, je ne le savais pas. Alors, je me demande si vous pouvez élaborer sur ça?

Jean-Claude Poissant: Bin regardez, puis c’est drôle qu'est-ce qui se passe là. C'est que, on ne peut pas, les projets de loi ou demander une étude d'un particulier. Je me rappelle très bien d'avoir demandé à trois ou quatre reprises de faire une étude sur le prix payé à la ferme, puis le prix payé par le consommateur. Là, ils sont en train de faire l’étude, là. Mais je le voyais déjà à l'époque, qu’il y avait une marge incroyable. Puis que les deux perdants c'est à chaque bout de la chaîne. C'est vraiment le producteur. Exemple, une courge vendue un dollar à la ferme est vendue 8 dollars dans l'épicerie. Puis elle vient de la même région, là. Je parle pas qu’elle vient d'outremer là. J’en voyais des anomalies de même, puis je voulais une étude pour justement qu'on arrive pour justement dire, « aye, il y a de l'exagération dans la chaîne ». Il y a de l'exagération. Là, il y en a encore plus avec tonoqu'est ce qu'on a connu là. Que ça soit avec la guerre et ou la pandémie, il y en a eu encore plus. C'est là qu'ils ont décidé, là ils ont décidé de la faire, ils sont en train de la faire. Et on le voyait déjà à l'époque là. Les projets de loi, c'est ce qu'on m'avait dit dès le départ. Si t’es nommé, tu peux pas faire de projet de loi. Il faut le comprendre aussi. À deux reprises, j'ai failli voter contre mon gouvernement. Là, ça l’a débarqué chez moi! Un secrétaire vote pas contre son gouvernement, bin non! Fait que, faut avoir de quoi en retour. Il faut négocier.

Chloë Hill: Et comment, vous avez dit vous avez failli voter contre? Mais qu'est-ce qui vous a encouragé à vouloir voter en faveur?

Jean-Claude Poissant: Bin, c'est certain que j'ai eu la visite du chef de cabinet dans ma circonscription parce que le vote se prenait en retour en Chambre. Puis là, là ils m’ont fait comprendre la situation. Mais c'est là qu'on dit qu'on connait pas toute l'arrière d’une décision. Puis si on l’explique mieux, on peut comprendre pourquoi, qu’on a voté pour. Puis, effectivement, je ne le regrette pas aujourd'hui d'avoir voté pour, là. L'économie canadienne, c'est pas juste l'agriculture. Vous allez me dire, que c'est, mais peut être que vous ne savez pas, mais c'est le, le deuxième secteur d'emploi, l'agriculture, au niveau alimentaire. C’est le deuxième au Canada. C'est le deuxième au niveau des retombées économiques. Personne sait ça. Mais il y en a pas beaucoup, mais il y en a pas beaucoup qui suivent ça. On est un pays qui exporte au-delà de 75 milliards de denrées. Quand qu’on est arrivé, on était à 60, puis on visait 75 pour la fin de mandat et on l’a atteint avant la fin de mandat.

Chloë Hill: C'est énorme!

Jean-Claude Poissant: Écoutez, si on s’en va en produit transformé, ça va très rapidement en produit transformé. Le nombre d'emplois, écoutez 2,400,000 emplois au Canada, c’est du monde ça! 

Chloë Hill: Et oui, c’est gros!

Jean-Claude Poissant: Et un pays qui est fort, c'est parce qu'elle a une agriculture forte. Ça, c'est sûr. Une des choses que j'aurais tellement voulu, c'est faire reconnaître l'agriculture comme nos voisins du Sud. L'agriculture est traitée au même niveau de sécurité nationale, comme la guerre. Je l’ai dit en arrivant, faudrait que notre agriculture soit reconnue comme sécurité nationale. On n'est pas là. 

Chloë Hill: Mais, qu’est-ce que, pourquoi est ce qu'on n'est pas là?

Jean-Claude Poissant: Pourquoi on n'est pas là? Ce n'est pas une priorité pour eux, tout simplement. Et  demandez vous pas aussi que très peu de monde qui veut aller en agriculture. C'est pas assez valorisé. Ici présentement, juste au Québec, une ferme sur cinq a une relève, un sur cinq a une relève. L'année dernière, c'est 200 fermes laitières qui ont fermé leurs portes au Québec, juste au Québec. Puis j’ai un autre producteur dans mon coin, le plus gros producteur de brocoli au Canada. La moyenne d'âge de la famille est de 63 ans. C'est une ferme qui va être à vendre, puis ils m'ont dit, « Regarde, on est sept enfants sur l'entreprise, il n'y a pas de, des enfants qui veulent prendre ça. Qui va prendre ça? » C’est rendu tellement gros. L'autonomie alimentaire, on peut la perdre rapidement là!

Chloë Hill: Aviez-vous, pour revenir à mes questions ici, c'est un peu décevant à savoir, c'est ça, vous m'apprenez beaucoup au sujet de l'agriculture, en fait. Mais, avez-vous des recommandations pour améliorer l'expérience des député.e.s? 

Jean-Claude Poissant: Bin premièrement, s’ils sont pas capables de faire de compromis, c'est pas leur place, ça c’est sûr et certain. Puis de négocier. Comme, comme je vous ai dit tantôt, s’il y a quelque chose que le gouvernement tient, le parti pour qui ils sont, tient, qui négocient pour avoir de quoi en retour. Tout simplement. Pour les citoyens, peu importe. 

Chloë Hill: Et vous êtes un peu unique dans le sens aussi que vous aviez mentionné, vous êtes fier quand même d'avoir été élu, sachant que vous n'aviez pas vraiment de diplôme. Qu'est-ce qui encouragerait ou avez-vous des suggestions pour que d'autres agriculteurs se présentent aussi? Qu'est-ce que qu'est ce qui vous a aidé? 

Jean-Claude Poissant: Eh, je vous dis là, en parlant les réseaux sociaux là, il faut que ça soit encadré. Les commentaires négatifs là, gratuits là, il faut que ça soit réglé ça, parce que c'est pas tout le monde qui est prêt à se faire insulter tous les jours. On sait qu'on fait du mieux de nos connaissances toujours. Ça fait que non, ça, c'est un, une aiguille dans la botte c’est sûr. Ça nous pique ça. C’est pas donné à tout le monde d’aller en politique, ça c'est certain. 

Chloë Hill: Compromis, habilité à la négociation, et résilience. Est-ce qu'il y a d'autres compétences aussi importantes que vous pensez qu'il faut posséder pour devenir député.e?

Le charisme. Ça, on le voit. Les gens qui n'ont pas de charisme, ça les aide pas beaucoup, beaucoup. Quelqu’un qui est souriant, puis équilibré dans son charisme, il y en a qui le sont trop. Il perd de la crédibilité, à un moment donné.

Chloë Hill: Oui. Si on peut penser au processus de sortie ou de désengagement, vous aviez mentionné que vous auriez aimé plus de reconnaissance. Je me demande dans quel sens et pouvez-vous élaborer un peu plus sur ce sujet?

Jean-Claude Poissant: Par rapport à l'emploi. Moi, si j'ai appliqué là, c'est parce que mon fils, c'est sûr qu’il aimerait ça s’occuper de l'entreprise sans que je sois là. Mais en même temps, lorsqu'on a une soixantaine d'années, le physique a mangé beaucoup de coups pour se rendre là, là sur la ferme. Et ma santé physique est très fragile présentement, le dos, les nerfs sciatiques. Fait que, le travail assis, c'est beaucoup plus, puis c'est un travail assis que j'appliquais. Et puis, les connaissances, on les a. Les compétences, on les a. Fait que, non. C'est, c’est ça qui m'a vraiment, j’ai dit regarde, ça a pas arrivé parce qu'il y a peut-être de quoi de mieux qui s’en vient aussi là. C’est ça.

Chloë Hill: Alors, vous avez mentionné comment vos amis ont réagi, mais est-ce que votre famille aussi a réagi, comment est-ce qu’il ont réagi à votre départ?

Jean-Claude Poissant: Oui. Écoutez, moi je me rappelle qu'au début mes enfants étaient avec moi le soir qu’on a suivi les élections et j'ai gagné, ça criait partout. Mais j’ai vu aussi quand que j'ai perdu, ça pleurait aussi. J'ai vu en 2019 ma fille pleurer, pleurer. J’ai dit, « bin voyons, Carolanne, papa il est pas mort! Il est là, là ». Et puis ma conjointe et tout, qui espérait beaucoup que je passe. Mais j'ai réglé ça assez vite le soir que j'ai perdu moi. Je vais vous expliquer ça. C'est que ma conjointe, ça fait 18 ans que j'habite avec elle. Et puis, le soir, je regardais la salle, tout le monde était piteux. Puis là, le journaliste était là, « Monsieur Poissant, comment est-ce que vous prenez ça? ». J’ai dit « Écoutez, il est arrivé ce qui arrivera. Mais là, j’ai une annonce à vous faire moi à soir là: Je demande ma femme en mariage! ». J’ai demandé à ma femme en mariage le soir que j'ai perdu mes élections.

Chloë Hill: Pas vrai!

Jean-Claude Poissant: Bin oui! Et puis, un an après, on était mariés. 

Chloë Hill: Comme c’est beau!

Jean-Claude Poissant: Le party a pogné dans la salle là!

Chloë Hill: Ça c’est beau comme image. Et vous avez aussi, c'est ça, pris un résultat négatif et vous avez vraiment…

Jean-Claude Poissant: C'est ça! Tout simplement. Mais elle m’a tellement aidé, elle m’a tellement aidé. Je savais qu’elle y tenait.

Chloë Hill: Et est-ce-que votre séjour en Chambre vous a changé?

Jean-Claude Poissant: Ah c’est sûr. Ça change tout le monde. Ça change tout le monde. Puis on ne peut pas dire que c'est pour le pire, c'est pour le mieux. C’est vraiment pour le mieux. Écoutez, c'était vraiment un privilège là. On rentrait dans le Parlement sans être cartés, il y a personne qui se rend compte de la grandeur de notre pays, mais de l'institution en tant que telle.

Chloë Hill: Et je comprends qu'être député, c'est un travail difficile. Et je me demande, avez-vous des recommandations pour attirer et retenir les meilleur.e.s et les plus intelligent.e.s?

Jean-Claude Poissant: Ah tonnerre! Il n'y a rien à faire. Il n'y a absolument rien à faire. Si la tendance, ça va vaironner, c'est fini. Même si on voudrait les garder, c'est fini. C'est le peuple qui a le dernier mot. Puis, c'est ça qu'il faut. C'est vraiment ça qu'il faut. Parce que si le peuple se trompe, il va s’en rendre compte. S’ils mettent quelqu'un d'autre, puis ils voient qu’il n’y a pas de résultat, mais il faut vivre avec. On est bien chanceux, premièrement, d'avoir le droit de vote, bin chanceux. Tellement un beau pays! En dire qu’il y en a qui veulent se séparer, pas croyable.

Chloë Hill: Oui. Et en sachant ce que vous savez aujourd'hui, avez-vous des conseils que vous donneriez à un plus jeune Monsieur Poissant?

Jean-Claude Poissant: Ah, probablement d'être un peu moins fou que j'étais les fins de semaine, les week-ends, de donner du 100% puis de pas voir sa famille trop trop. Donner un peu plus de temps à la famille. Regardez, si vous avez un contact avec l’entité là, dites-leur que « chapeau, ils font un excellent travail ces gens-là ». J'ai déjà eu à faire aussi aux gendarmes, puis tout ça, et je vous le dis, le soutien est extraordinaire.

Chloë Hill: C’est évident que Jean-Claude a mené sa carrière politique avec sa tête et son cœur et qu'il a tiré le meilleur parti des moments les plus décevants de sa carrière de député.

Nous tenons à remercier encore une fois Jean-Claude pour sa contribution à ce projet. Cet épisode conclut cette série de baladodiffusion en six parties.

Merci d'avoir écouté Les Personnages de la Chambre.

Un grand merci à tous les anciens et anciennes député.e.s et merci à vous d'avoir écouté Les Personnages de la Chambre.

Je m’appelle Chloë Hill, coordinatrice de recherche au Centre Samara. L'équipe qui soutient ce balado est composée de Sabreena Delhon, Beatrice Wayne, Vijai Kumar, Colm O'Sullivan et David Moreau.

La chanson thème a été composée par Projectwhatever.

Nous sommes reconnaissants au Patrimoine canadien pour son soutien financier.

Le Centre Samara pour la démocratie est une organisation caritative non partisane. Notre mission est de réaliser une démocratie résiliente avec un public engagé et des institutions réactives. Pour soutenir notre travail, visitez samaracentre.ca et cliquez sur « faire un don ». 

Ce balado fait partie du Projet d'entrevues avec les député.es sortants et sortantes. Pour en savoir plus sur ce projet et d'autres recherches, visitez notre site Web et suivez-nous sur Twitter et Instagram @thesamaracentre.

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Merci de nous avoir écoutés.

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