Les Personnages de la Chambre Épisode 5: Guy Caron

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Les Personnages de la Chambre Épisode 5: Guy Caron
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Dans ce balado, Guy répond aux questions suivantes :

  • Quels sont vos premiers souvenirs de la politique et de l’engagement civique?
  • Qu’est-ce qui vous a incité à vous présenter d’année en année?
  • En entrant en poste, quels étaient vos objectifs?
  • Encore à ce stade précoce, pouvez-vous décrire votre relation avec le chef de votre parti?
  • Qu’est-ce qui, selon vous, permettrait d’améliorer le processus d’intégration pour d’autres député.e.s?
  • Qu’est-ce qui vous a surpris en tant que député?
  • Pouvez-vous me parler de l’autonomie des député.e.s? Est-ce que votre parti s’attendait à ce que ses priorités passent avant les demandes de votre circonscription?
  • Pouvez-vous décrire la culture de travail au Parlement?
  • Quelles étaient vos stratégies pour assurer  un respect entre les divers partis?
  • Avez-vous fait face à de l’incivilité dans la Chambre? 
  • Votre identité a-t-elle été prise en compte dans votre travail?
  • Comment selon vous les questions relatives à la langue ont-elles été perçues et priorisées?
  • Que pensez-vous du Parlement hybride?
  • Quelles sont les plus grandes déceptions de votre mandat?
  • Pouvez-vous décrire votre processus de sortie ou désengagement?
  • Est-ce que votre expérience en tant que député a influencé votre volonté de vous présenter en tant que maire de Rimouski?
  • Suite à votre questionnement de la valeur du modèle du gouvernement actuel, que changeriez-vous pour rendre le système parlementaire plus démocratique?
  • Comment votre séjour à la Chambre des communes vous a-t-il changé?
  • Avez-vous des recommandations pour améliorer l’expérience des député.e.s? 

Script de l'épisode

Chloë Hill: Salut, bonjour, je m’appelle Chloë Hill. Je vous remercie d'écouter Les Personnages de la Chambre, une baladodiffusion du Centre Samara pour la démocratie. Dans ce balado, nous ne parlons pas seulement des député.e.s, nous nous adressons directement à eux et à elles. Nous creusons sous la surface pour apprendre ce que représenter sa communauté dans la capitale de notre pays signifie vraiment. Nous voulions tout savoir : ce qui se passe en coulisses, y compris les drames et les intrigues politiques. Mais surtout, nous voulions découvrir les député.e.s en tant qu'êtres humains ayant leur propre histoire à raconter.

Dans cette série en six parties, nous entendrons les témoignages d'anciens et anciennes député.e.s des 42e et 43e législatures du Canada, c'est-à-dire des parlementaires qui ont quitté leurs fonctions entre 2015 et 2021. Nous découvrirons leur expérience à la Chambre des communes et entendrons leurs conseils sur la façon d'améliorer l'expérience d'un ou une député.e, pour la personne qui porte le titre, mais aussi pour nous, le public qu'ils servent.

L'épisode d'aujourd'hui présente Monsieur Guy Caron, qui a représenté la circonscription québécoise de Rimouski-Neigette—Témiscouata—Les Basques à la Chambre des communes pour le Nouveau Parti démocratique du Canada entre 2011 et 2019.

Guy s'est engagé au sein du NPD car il croyait en les convictions et le pragmatisme du chef de parti Jack Layton. Dans cet épisode, Guy discutera du leadership, de la démocratie parlementaire et de sa transition vers la politique municipale.

Voici notre discussion!

Chloë Hill: Pouvez-vous me parler un peu de vos premiers souvenirs en ce qui a trait à la politique ou vraiment à l'engagement civique?

Guy Caron: En général? Ça n'a pas été durant mon adolescence. Ça n'a pas été même, je dirais que ça a commencé vraiment à l'université. Je n'avais pas l'intention de partir en politique, sauf que la politique publique m'intéressait et j'ai donc commencé à travailler en politique publique, en commençant par le Conseil des Canadiens et ensuite avec le Syndicat des communications, de l'énergie et du papier. Et entre temps, je me suis impliqué avec Jack Layton et avec le NPD en 2003. Je faisais partie de l'équipe de Jack durant la course à la chefferie en 2002 et été élu en 2003. Et c'est là que j'ai commencé à développer le NPD, si l'on veut, dans l'Est du Québec. En étant candidat dans trois élections avant la quatrième où j'ai été élu dans la vague orange. Alors, je pensais pas être un politique après mon expérience en politique étudiante. Je pensais m'impliquer en politique, mais devenir député, non, j’y comptais jamais. C'est arrivé par accident et disons que j'ai fait du mieux que je pouvais dans les circonstances. J'ai pas vraiment voulu une carrière politique. Mais je me présentais parce que je croyais en Jack Layton. Je croyais en le parti, mais jamais je ne pensais me faire élire. Alors je le faisais par conviction, Ecoutez, pour vous donner une idée, quand je me suis présenté la première fois en 2004, l'élection précédente en 2001 dans la circonscription de Rimouski, le NPD avait eu 1% des voix. Alors je ne pensais pas que le Rimouski allait voter pour le NPD avec ma candidature ou une autre. Mais je croyais suffisamment dans Jack pour tenter de développer, défricher le terrain politique, si l’on veut, pour le NPD et pour Jack Layton.

Chloë Hill: Et qu'est-ce qui vous a incité à vraiment vouloir vous présenter d'année en année?

Guy Caron: Convictions. J'étais impliqué dans le NPD, la situation québécoise. Mais comme le NPD avait traversé, avait une longue traversée du désert au Québec, j'ai vu qu’il y avait plusieurs jeunes. J'ai été élu à 42 ans, donc c'était dans ma trentaine que j'étais militant, avant d'être élu. Puis il y avait des jeunes: Pierre Ducasse, Pierre Laliberté, Laura Colella. Il y a des gens avec qui je me suis lié d’amitié et qui ont été aussi, comme moi, attirés par le message, par les valeurs de Jack Layton. C'est vraiment ce qui nous a réunis ensemble et qui nous a poussés à vraiment tenter l'expérience politique. Personne d'entre nous ne pensait vraiment être élu. On le faisait beaucoup plus pour dire qu'on prépare le terrain pour ceux qui vont suivre. Le seul que je dirais que j'admirais c’est Jack Layton. Je ne veux pas le sanctifier ou quoi que ce soit. Il avait ses défauts, il avait ses qualités. Puis j'étais assez proche pour les voir et les constater tous les deux. Mais la question de l’authenticité, la question de la conviction, du pragmatisme également, dont il faisait preuve. Pour moi, se sont tous des éléments qui, pour moi, devaient transformer le NPD et qui rendaient le parti vraiment intéressant à mes yeux. Auparavant, j'étais sympathique au NPD. C'est vraiment avec Jack Layton que j'ai été convaincu de faire le pas supplémentaire pour être actif en politique.

Chloë Hill: Alors, en entrant dans le poste aussi, quels étaient vos objectifs? 

Guy Caron: Pour moi, c'est, un des éléments qui m’a poussé à appuyer Jack… J'étais un progressiste, j’ai travaillé dans un alignement progressiste, une expérience civile, un mouvement étudiant. J'ai travaillé dans les syndicats. Pour moi, ce que je voulais voir du NPD, c'était vraiment une perspective pragmatique et aussi de ne plus être uniquement la conscience du Parlement, mais de viser à tenter de gouverner. Et c'est ce qui m'intéressait, et comme député, je voulais continuer à travailler pour m'assurer que le parti, en Chambre comme de l'extérieur, poursuivrait cette voie là. C'est-à- dire, de ne pas juste être avec une conscience ou pour uniquement être là pour des gains moraux, mais de pouvoir vraiment avoir un poids significatif dans les décisions, pour une perspective de gauche. Entre autres, parmi les causes que j'ai pris à deux bras, étant donné mon background économiste, la lutte contre les paradis fiscaux, contre l'évasion fiscale et les paradis fiscaux est extrêmement importante et pour moi, c'est beaucoup plus que ça veut dire, « les riches doivent payer leur part » ou encore «  il faut absolument qu'on élimine toutes les échappatoires fiscales ». C'est plus complexe que ça, et toute la nuance de complexité fait partie du processus de gouvernance et c'est vraiment ce que je voulais aider à implanter au sein du parti. Faut comprendre qu'au niveau du NPD, dans la députation québécoise, on avait eu 59 députés qui avaient été élus. Puis, je peux dire, sans crainte de me tromper, que j'étais probablement le troisième en termes d'expérience. Il y avait Tom Mulcair, bien sûr, qui était le chef adjoint, Françoise Boivin, qui avait fait un mandat comme députée libérale. Et moi, j'étais déjà à Ottawa dans mes fonctions d'économiste, j'avais aussi une fonction de responsable de relations gouvernementales dont je faisais déjà partiellement du lobbying à Ottawa, je présentais devant les comités et au Sénat et à la Chambre des communes. J'avais déjà une expérience. C'est une des raisons pour laquelle Jack, initialement dans le premier caucus, m'avait nommé à la présidence du caucus québécois pour aider à supporter, à alléger le travail du whip et du leader parlementaire dans toute cette nouvelle députation de députés inexpérimentés et on avait à guider un processus. Donc, ça a été rapide, les on avait des députés qui n'avaient pas de bureau encore. On se promenait avec notre sac à dos, mais le parti, nous avait donné des bureaux temporaires à l'édifice Howard, qui étaient maintenant les bureaux du personnel du NPD. Donc on avait au moins des espaces temporaires le temps qu’on puisse avoir des bureaux qui nous soient alloués. Donc, au niveau du parti on a eu un bon encadrement, je dirais même un très bon encadrement dans les circonstances, parce que le parti était quand même passé de 34-35 députés à 101 députés d'un seul coup. Puis en plus on a eu un retour en Chambre très, très rapide. Alors je pense que, dans les circonstances, il n'y a vraiment plus rien d’autre qui aurait pu être fait. Ça avait été parfait, tant du côté du parti que du côté de la Chambre des communes.

Chloë Hill: Et avez-vous bénéficié d'un mentorat pendant votre séjour?

Guy Caron: Techniquement, oui, mais il m'a dit que je n'en avais pas besoin. En fait, on avait un système de mentor qui avait été établi, puis le mien était Paul Dewar. Et Paul, on s’est rencontré, on se connaissait déjà étant donné que mon passé d'activiste au NPD et à Ottawa. Donc, il m’a dit « écoute, on se rencontre, mais je sais qu'on n'aura pas besoin de se voir si souvent que ça ».

Chloë Hill: Et encore, à ce stade précoce, pouvez-vous décrire votre relation avec le chef du parti?

Guy Caron: Avec Jack? Ça a été vraiment, écoutez, on a eu une relation pendant le mois qu’il était en Chambre Mais c'était, c'était, il était débordé évidemment. J'ai eu l'occasion, je me souviens encore de la dernière fois que j'ai pu le voir. C'était à la fin, on avait eu un filibuster qui avait  marqué le mois de juin et à la fin du filibuster, on a eu la chance de jaser un peu. C'était la dernière fois que je l'ai vu de son vivant. Il prenait toujours le temps de jaser avec le monde, d'avoir toujours un mot d'encouragement pour tout le monde. On le sentait fatigué à l'époque, j’aurais pu me douter qu’il était malade. Alors, bonne relation avec le chef.

Chloë Hill: Et tant qu'à vous, qu’est-ce qui améliorerait ce processus d'intégration pour d'autres député.e.s?

Guy Caron: Je n'ai pas de commentaire. Honnêtement, pour moi, ça a été, «  if it’s not broken, don’t fix it ». Il n’y a honnêtement pas grand chose que je pourrais recommander, ça a vraiment été idéal de mon côté. 

Chloë Hill: Est-ce qu'il y a de quoi aussi qui vous a surpris en étant député?

Guy Caron: Pas vraiment. Encore une fois parce que j'étais familier avec le travail. Bon, je vais vous dire que c'était, bon, les questions de base qu'on apprend graduellement, comme il y a des périodes de garde pour les députés, on n'est pas toujours à la Chambre. Je savais qu'on n'était pas toujours en chambre, mais savoir que c'était coordonné de cette manière là, évidemment, c'était quelque chose que j'ai appris. Donc, il y a eu des petits éléments où il y a eu de l'apprentissage. Savoir comment fonctionnaient certains éléments comme, la sécurité. Tout ça, ce sont des éléments que j'ai appris au fur et à mesure. C'était moins accessible au commun des mortels, mais dans le processus politique, j'étais déjà bien informé en partant. Toutes les premières journées, on n’était pas assez pour faire tout le travail. Instinctivement, je savais qu'est-ce qu’il y avait à faire. Alors, je me suis pas, je me suis pas senti désemparé. Au contraire, ma priorité était de rassurer les gens qui avaient voté pour moi, mais qui ne me connaissaient pas. Dans toute la confusion qu'il y a eu après le 2 mai, parce que les gens se sont dit «  wow, on a 59 députés au Québec » et il y avait une grande confusion, un grand questionnement qui venait à cause de ça. Et pour moi, c'était prioritairement de rassurer les gens de Rimouski-Neigette—Témiscouata—Les Basques.

Chloë Hill: Si on peut passer à la question de l’autonomie des député.e.s, est-ce que, parce que c'est un thème qui est beaucoup abordé dans ce projet. Qu'est-ce que vous pensez de ce sujet? 

Guy Caron: C’est pas juste pour moi, c'est pas l'ensemble du Parlement, je pense, tous partis confondus, l'exécutif a trop de pouvoir. Ça, c'est clair. Je comprends qu'il y a une question de pouvoir, assurer un message cohérent dans un parti politique tout à fait compréhensible, particulièrement dans un contexte où les médias utilisent le moindre conflit pour tenter de tenter de démontrer les, le conflit fait vendre. Alors, s’il peuvent pouvoir découvrir là où il y a des différences d'opinion, parfois une montagne, pour que ça puisse être vu comme étant un conflit au sein de ce parti. Mais au-delà de ça, il n'y a pas de justification. Ma plus grande déception en fait, en termes d'autonomie, ça a vraiment été les comités. Pas l'autonomie que le parti me donnait, mais il était clair que les comités qui, pour moi, étaient vraiment l'endroit où on laisse tomber nos partis, où est-ce qu'on fait vraiment le travail principal d'assurer l'imputabilité du gouvernement, c'est clair que ce n'est plus le cas aujourd'hui. C'est la seule place dans la dans tout le processus parlementaire où on peut s’appeler par nos noms  parce qu'on ne représente pas les circonscriptions, parce qu'on présente des partis politiques, et tout ça a été pris, le contrôle a été pris le whip, par les bureaux de whip de tous les partis politiques. Mais c'est la même chose aussi en Chambre, en général. Je pense qu'il y a des éléments qui sont des éléments qui sont principaux dans les politiques de partis qui doivent faire l'objet de, d'un vote de confiance au sein du parti qui doit faire l'unanimité, je comprends ça, les principes fondamentaux. Mais dans bien des cas, l'unanimité est demandée pour des raisons stratégiques purement et simplement même si on est en désaccord. Alors comme député, ou on peut toujours être autonome, mais toujours y aller selon nos convictions. Le faire constamment n'est pas constructif. Et là bien, il faut toujours évaluer au quotidien enjeu par enjeu, à savoir si ça rentre en conflit avec nos convictions profondes, personnelles ou celles de notre circonscription. Et si ce n'est pas le cas, mais c'est là qu'on peut effectivement avoir une divergence. Mais la divergence entraîne souvent un conflit avec le parti et éventuellement devenir  indépendant, l'expulsion ou la démission et autres enjeux avec tout ça vient du fait que le contrôle, il doit avoir un minimum de contrôle. Mais c'est beaucoup trop loin, présentement. 

Chloë Hill: Et vous aviez mentionné qu’il y a un écart. Alors, au début vous aviez de l’autonomie, mais ça l'a changé au sein des comités, c'est ça? 

Guy Caron: Non, non, ça a toujours été comme ça. Dès le départ au comité, du temps où j'ai siégé. C'était juste juste quelque chose que je ne voyais pas auparavant. Il y en avait probablement, mais quand je lis par exemple, comme à la Chambre, comment les comités fonctionnaient dans les années 60 et 70, les députés étaient là et ce n'était pas les partis politiques qui les contrôlaient. Le rôle des comités est d'assurer l'imputabilité du gouvernement, peu importe les partis politiques qu'on représente. C'est plus le cas aujourd'hui. C'est devenu une extension de la partisanerie de la Chambre des Communes. Et pour moi, c'est un des éléments qui, fondamentalement, nuisent à la démocratie parlementaire.

Chloë Hill: Est-ce que votre parti s'attendait aussi à ce que ses priorités passent avant celles, ou les attentes, de votre circonscription?

Guy Caron: Je n'ai pas senti ça. J’ai toujours, je me suis toujours senti libre de défendre les gens de ma circonscription. Mais, étant donné que, surtout avec Jack, même par la suite, on avait quand même une bonne bonne conformité entre les attentes du parti et des gens de la circonscription. Les enjeux que je défendais ici, étaient les enjeux que le parti défendait aussi. Alors, j'ai pas eu trop de difficultés. Le seul, la seule, je vous dirais, le seul enjeu sur laquelle il y a eu, eu, c'était pas automatique, si l’on veut, c'était l'enjeu de l'Énergie Est qui allait passer à travers la circonscription, le pipeline là. Et évidemment, les environnementalistes et la gauche à Rimouski, les progressistes voulaient que je prenne position immédiatement contre le projet. Ce que j'ai refusé de faire initialement parce que je me disais que mon rôle comme député, au-delà de représenter la gauche, les progressistes en général, c'est peut être aussi le point de crédibilité pour l'ensemble de la circonscription.

Chloë Hill: Pouvez-vous aussi décrire la culture du travail au parlement?

Guy Caron: Dans quel sens?

Chloë Hill: Bin, on entend aussi un autre thème, c’est l’hyper-partisanerie et je me demande si ça vous a posé un défi ou avez-vous trouvé que vous vous sentiez à l'aise, ce n'était pas, tu sais, une culture toxique, c'était accueillant, assez de diversité, ce genre d’aspects là?

Guy Caron: J’ai toujours considéré que le parlementarisme, la démocratie parlementaire, la démocratie en général, mais surtout parlementaire et le travail au Parlement, étaient nécessaires afin d'éviter d'avoir… On confronte de manière pacifique des idées qui pourraient amener une confrontation violente s’il n’y avait pas de outlet, d'endroit où on peut effectivement débattre qui est vraiment guidé par des règles bien précises. Je suis toujours impressionné par le fait que la séparation entre les deux rangées de bancs soit l'équivalent de, c’est quoi, trente épées? Donc, il y a somme toute une dynamique guerrière qui est évitée de, par le fait qu'on a un forum dans lequel on peut disputer, discuter et et débattre. Donc c'est clair que, une composante qui va être, comment je pourrais dire, une expression qui va être inutile, parce que honnêtement, j’ai jamais vu quelqu'un dont l'opinion a changé en entendant un débat, même le plus éloquent des débats ou des exposés qui étaient faits en chambre. C'est clair. De l’autre côté, lorsque j'entends des énoncés qui sont ridicules, qui sont basés sur des faits qui sont carrément faux, des arguments, l'argumentation circulaire, tout ce qu’on a, il faut faire au moins le minimum, pour pouvoir justifier notre position lorsqu'on fait répéter, singer des positions qui nous sont données, des textes qui nous sont donnés pour lire, pour pouvoir supporter la position du parti d'abord et avant tout, je pense qu'on rend service à personne. Puis c'est ça qui est toxique, je pense que le Parlement est là pour au moins offrir à la population un théâtre dans lequel la population peut voir que les opinions sont considérées, que les argumentations sont faites d'une manière qui soit sensée. Et aujourd'hui, c'est plus ça. Aujourd'hui, c'est, peu importe que ce soit vrai ou que ça soit faux, on va le dire en Chambre, ou on est en train de gagner, ah, gagner la journée ou le cycle de nouvelle de 24 heures avec une phrase clé punch, même si la phrase est fausse, même si a aucun sens, même si elle est un néologisme flagrant, c'est « it’s the name of the game » maintenant. Alors, je vous dirais que ce qui est toxique, au bout du compte, c'est, un: le manque de décorum, parce qu'il y a de moins en moins de décorum à la Chambre des communes. Tout le monde, tout le monde en parle. Deux: Le manque de rigueur. On est même plus intéressé à pouvoir promouvoir la vérité, on veut juste promouvoir une argumentation qui supporte la position du parti. Je parle en terme général, évidemment il y a des gens qui sont plus rigoureux à l'intérieur, ça peut arriver. Et évidemment, bien mon expérience n'a pas été aussi mauvaise que d'autres qui ont pu l’avoir, comme les femmes en particulier, où il y a effectivement des insultes ouvertes et il y a vraiment de la misogynie. Ah des expressions de racisme, j'en ai vu aussi. Alors pour d'autres personnes particulièrement, qui ont des expériences différentes, qui ne sont pas aussi privilégiées. Je peux percevoir que l'expérience est plus difficile.

Chloë Hill: Lorsque vous parlez d'un manque de décorum ou de rigueur, aussi, est-ce qu'il y a des exemples qui vous viennent à l'esprit?

Guy Caron: Simplement la période de question. Est-ce que j'ai besoin d’en dire davantage? Il y a zéro respect pour l'intelligence de la population à l'intérieur, ni même de l'intelligence des députés à l’intérieur. Sans compter tous le heckling, tout le chahutement qui se passe. Puis encore une fois, je parle en terme général. De mon côté, j'ai toujours voulu, j'ai toujours respecté les gens à qui je parlais. Je pourrais attaquer les idées, mais jamais j'ai attaqué les gens. J'ai jamais attaqué leurs motivations non plus. Je pense que j'ai gagné une bonne partie du respect de la Chambre des communes grâce à cette approche là. Et ça a permis aussi de pouvoir tisser des liens avec des députés qui étaient non seulement de mon parti, mais des partis opposés. Il y avait des gens chez les conservateurs, avec qui j'avais aucune affinité politique, qui sont devenus des bons amis parce qu'ils avaient d'autres qualités, entre autres le sens de l'éthique. Même si je ne suis pas d’accord avec leurs opinions, même si je suis en désaccord avec leurs fondements, bien je sais qu'ils ont un sens de l'éthique. Je sais qu'ils font les choses pour les bonnes raisons dans leur perspectives. Ça, je suis prêt à le reconnaître, puis ça me permet de me rapprocher de bien des gens. Même si je venais d’un autre parti, puis j’ai pas besoin de dire que j'étais d'accord avec lui. J'ai juste besoin de dire que c'est un bonhomme qui avait un respect de l'autre, qu'il avait une écoute, qui avait un sens de l'éthique, était irréprochable. Et on ne voit pas ça vraiment si souvent que ça. C'est triste et dommage.

Chloë Hill: Et quelles étaient vos stratégies pour vraiment retrouver ce respect entre les divers partis aussi?

Guy Caron: Entre autres, c'est le respect appelle le respect. Je les respectais. Donc, c'était difficile, il fallait que quelqu'un qui me démontre un respect. Encore une fois, le respect veut pas dire que je respecte les positions qui sont inacceptables. Je vais attaquer les positions qui sont inacceptables, je n'ai pas de problème avec ça. Mais je vais toujours respecter la personne, même si je suis en désaccord avec les personnes. Même si mes valeurs morales sont différentes de celles-là, je vais respecter. Il y a des gens que je ne peux vraiment pas sentir en termes de personnalité, des gens que, dans la vie de tous les jours, s’il ne fait pas député, je ne verrai jamais, et j’aurais aucune intention de connaître davantage parce qu'ils me répugnaient. Puis ça, il y en avait. Mais ce n'est pas parce qu'on avait un parti politique différent que les personnes qui, au contraire de qui je peux trouver des qualités, puis je n’ai aucune raison de ne pas m'approcher de ces personnes là, même si on avait des débats houleux, même si on attaquait nos idées, mais seulement en Chambre. Par la suite, on jasait et on plaisantait, puis on essayait de trouver ce qu'on avait en commun aussi. Alors, c'est quelque chose qui se voit, mais ça se voit malheureusement trop peu souvent par rapport à tout le théâtre et tous les grotesques qu’on peut voir en Chambre.

Chloë Hill: Et vous avez fait référence, aussi, à l'incivilité qu'on voit dans la Chambre et je me demande est ce que vous avez trouvé que cela a affecté votre efficacité en tant que votre rôle de député?

Guy Caron: Um, pas particulièrement. Moi, je n'ai pas fait l'objet vraiment d'insultes, tant que ça. Rien que je ne puisse pas endurer, évidemment. Je vous dirais que ce que ça affectait, c’est davantage ma motivation. Je le décris dans le questionnaire que j'ai rempli avant l'entrevue, mais je vous dirais que ma pire expérience, ma plus grande déception a été les comités et voir à quel point les comités ont été dénaturés. Mais ma pire expérience pour moi, ça a été la période de questions. Pour moi, c'est 90 minutes par jour de ma vie que je ne reverrai plus jamais. C'est à peu près la période la plus inutile et malheureusement, c'est la seule où on est obligé d’y être, à part les votes.

Chloë Hill: Et qu'est-ce qui vous a, c’était quoi les facteurs qui ont contribué au fait que c'était la pire expérience?

Guy Caron: Parce que c'est une période de fausses questions et de pas de réponse. C'est, il n'y a rien, il n’y a rien qui force les questions à être pertinentes. Il y en a qui forcent les questions à être basées sur des vrais prémices. Et il n’y a rien qui force une réponse à être reliée à la question qui était posée. C'est quoi la charade? Pourquoi on en est là? C'est la période la plus visible pour montrer c'est quoi la démocratie à la population canadienne, et c'est un pauvre spectacle qui n’a aucune productivité. 

Chloë Hill: Et on a parlé un peu de la culture du travail, comment est-ce que votre identité a-t-elle été prise en compte dans votre travail? Est-ce qu'elle a été respectée et valorisée? Et je veux dire par identité, je veux dire, votre race, genre, langue aussi..

Guy Caron: Bin là, je suis un homme blanc, alors à Ottawa, c'est plus facile quand on est un homme blanc, ça va de soi. La langue, oui, la langue. On essaie de faire respecter l'usage du français le plus possible. Au niveau du parti, il y a beaucoup de choses qui ont changé. Justement, de par cette prédominance, c'était la première fois qu'on avait une majorité de francophones au sein du NPD. Ça ne s'est pas renouvelé par la suite, mais au moins ça, ça nous a permis de pouvoir essayer de changer la culture du parti en ce sens là. Puis de la rendre plus facile et que le parti puisse modifier son comportement. Alors je dirais qu’au niveau de la langue, effectivement, il y a eu, ça l’a apporté des changements. Comme homme blanc, je ne peut pas dire qu'il y a eu des ajustements qui ont été nécessaires de ma part ou celle du parti ou du Parlement parce que le Parlement a été forgé pour les hommes blancs. Alors je dirais pas que c'est idéal, je dis pas que cela devrait l’être, mais c'est ça la réalité.

Chloë Hill: Et pour reprendre le point des droits linguistiques, ou le français en général aussi, comment est-ce-que les questions relatives à la langue ont été reçues et priorisées pendant votre mandat?

Guy Caron: Elles l'ont été par le parti politique, oui. C'est clair que le NPD procédait légitimement. Est-ce qu'elles sont encore là aujourd'hui, je n’en sais pas tant que ça. Ce qui était plus compliqué, en fait je vous dirais au niveau de la langue, c'était au niveau des journalistes francophones parce que là, c'est le NPD. On avait beaucoup de nationalistes québécois, pas nécessairement des souverainistes, mais les nationalistes québécois qui étaient vus comme, qui se voyaient aussi, et je m’inclue dans le nombre, comme les défenseurs de l'identité québécoise, de fait du français. Mais aussi lorsqu'on avait des postes de porte-parole sur différentes questions, on avait une responsabilité de parler pour l'ensemble du pays, pas juste pour notre comté. Alors moi, je m'étais fait une règle comme quoi quand je parlais, je posais des questions, par exemple en Chambre sur des éléments de, qui touchait ma circonscription, quand je parlais comme député, je parlais toujours en français. La circonscription est à 99% francophone. J'ai 400 anglophones sur 50 000 personnes à Rimouski. Alors je posais mes questions en français. Mais lorsque je parlais comme critique, comme porte-parole industrie, ressources naturelles, finance - J'avais deux questions en Chambre, j’en posais une en anglais et une en français, constamment. Si j’en avais juste une, j'alternais entre les deux langues. Pourquoi? Parce que lorsqu'on parle comme porte-parole, lorsqu'on parle comme ministre, on parle au nom du pays au complet. Moi, je comprenais ça, mais les journalistes tendaient à négliger ce fait là et à nous blâmer. Parce que si on parle en anglais, on ne faisait pas prévaloir l'importance du français, alors qu'ils comprenaient pas la différence même si on leur expliquait, il y avait une espèce de fermeture à ce concept là. Généralement en fait, quand c'était dans le comté ou des enjeux liés au comté, je les faisais encore en français. Alors quand j'expliquais ça, c'était correct, puis les gens aussi comprenaient l'avantage d'avoir un député qui était bilingue, c'était beaucoup plus facile pour faire des rencontres avec des gens qui sont unilingues. Moi, j'étais bilingue, je pouvais me débrouiller dans les deux langues. Alors que mes prédécesseurs étaient unilingue français. Donc, eux avaient besoin d'aller chercher un interprète lorsqu’ils avaient besoin de parler avec un ministre qui était uniquement anglophone.

Chloë Hill: Monsieur Caron, que pensez-vous du Parlement hybride?

Guy Caron: Je déteste. C'était un des facteurs qui a contribué à faire en sorte que j'étais heureux de ne plus être député. 

Chloë Hill: Pouvez-vous élaborer ? 

Guy Caron: Bin oui, je déteste parce que pour moi, le Parlement, les relations doivent être en personne. C'est trop facile d'être chez soi, distant. Je pense que c’est ce qui fait la force du Parlement, le fait de se regrouper ensemble de toutes les parties du pays, c'est d'être ensemble dans la même salle. Alors que le Parlement hybride, on est, on est dans son comté, on est séparés, on est dans une réalité qui est celle de la circonscription. On est loin de l'autre réalité. Puis c'est ça, le Parlement. C'est lorsqu'on qu'on est là. C'est dangereux, parce qu'on est dans une bulle. Il faut savoir qu'on est dans une bulle qui est en dehors de toute la réalité de notre circonscription. Puis quand on est dans une circonscription, on est dans une bulle qui est en dehors de toute la réalité, de tous les compromis, tout travail politique qui est à faire. Donc, pour moi, ce travail là doit être fait en personne. En Zoom, c'est trop facile de juste puncher. On fait le Zoom, on s’est va, puis on passe à d'autres choses. Il n'y a pas d'engagement personnel. C'est la même chose, la même raison pour laquelle je suis personnellement contre le vote à distance ou par, par bouton ou par switch. Pour moi, je pense que quelqu'un qui va se prononcer, qui va faire un vote, doit démontrer clairement qu'il va voter, doit se lever. Sur vidéo, de façon physique pour démontrer qu'il est imputable ou qu'elle est imputable de cette décision, là.

Chloë Hill: Et en ce qui a trait à vos, les plus grandes déceptions?

Guy Caron: Oui, comme je disais, c'était l'inutilité du travail. J’ai l’impression que j'ai perdu beaucoup de temps dans des éléments qui étaient essentiels. Périodes de questions, comités alors que les comités sont tellement partisans que même si on avait des éléments importants à traiter, ils étaient ‘by-passés’. C'était, c'était comme ridicule. Tous les éléments qui relèvent de l'hyper-partisanerie, pour moi, c'était du temps perdu. Dans le comté, j'étais tout seul, alors j’ai eu beaucoup de sorties. J’ai rencontré des gens extraordinaires dans tous les coins du comté. J'avais quand même 39 municipalités sur 8000 km carrés. Alors, ça m’a permis de connaître beaucoup de gens avec qui j'ai encore beaucoup de contacts aujourd'hui, même si mon territoire se limite maintenant à la Ville de Rimouski. Une des choses que j'aimais beaucoup au NPD, c'est que, il y a des exceptions, bien sûr, mais en règle générale, il n'y avait pas de hiérarchie. Il y avait un respect évidemment, que les employés avaient vis-à-vis des députés. Mais quand on était ensemble dans un milieu social, il n’y avait pas vraiment de hiérarchie, on se parlait comme si, on faisait une séparation entre le travail et le loisir. Donc, en général, c'était agréable pour ça. Honnêtement, au niveau social, je n'ai pas de mauvais souvenirs. C'était juste agréable. Je pourrais pas vous dire quelque chose de gros, mais c'était juste toutes les habitudes qui ont été prises, le contact qui était là. Je peux vous dire qu’en huit ans et demi, d'être député, puis avoir été chef parlementaire et avoir agi comme chef du parti en Chambre pendant pratiquement deux ans, d'avoir eu mon bureau à l'édifice du Centre, moi c'était tout des privilèges incroyables dont j'ai bénéficié qui ont enrichi l'expérience que j'ai vécue.

Chloë Hill: Excellent. Et pouvez-vous décrire aussi le processus de sortie ou désengagement? 

Guy Caron: Dans quel sens?

Chloë Hill: Lorsque vous avez quitté votre poste, la fonction de député? C'était quoi ce processus là? 

Guy Caron: Bien, comme sentiment personnel, le soir de l’élection évidemment, ça a été difficile. C'était huit ans et demi de ma vie qui tournaient. Le lendemain, je suis rentré me coucher à 2h00 du matin, le lendemain à compter de 6h30, j’avais des entrevues à la radio. Donc le mardi, lundi et mardi, ça n'a pas été facile. Le mercredi matin, quand je me suis réveillé, je me suis dit « whoa, je suis libre! Je peux faire ce que je veux maintenant ». Alors honnêtement, je n'ai pas vécu les larmes que j'ai vu plusieurs de mes collègues vivre dans le passé. C'est comme, c’est arrivé, c'est arrivé, on passe à autre chose. C'est toute une expérience que j'ai adoré vivre. Mais d'un côté, c'est fait, c’est fait. La population a donné son jugement. On va passer a d’autres choses. J'ai maintenant l'opportunité de faire autre chose. Mais ce qui m'aide aussi, c'est que j'avais un bon background, j’avais de bonnes expériences dans le passé. Je me suis bâti une bonne crédibilité comme député. J'ai perdu, j'avais juste 52 ans. J'ai encore bien des choses à vivre, alors ma situation était probablement la situation idéale pour passer à d’autres choses.

Chloë Hill: Et j'imagine que vos années en tant que député ont vraiment influencé votre trajet en tant que, ou de vouloir vous présenter en tant que maire de Rimouski.

Guy Caron: Hmm, ce n'était pas donné que je ferais ça. Initialement, il y avait une possibilité que j'explorais qui était de travailler à l'Université d'Ottawa, c'est la Chaire d'étude ou l’Institut pour la fiscalité et la démocratie de Kevin Page. Puis on commençait déjà à explorer la possibilité que je puisse travailler avec les autres pour des formations à l'international. Mais, entre temps, la COVID a frappé. Donc confinement, contract perdu, plus de voyages. Et en regardant l'éventail des expériences possibles, la mairie était effectivement un élément qui m'intéressait beaucoup. Entre autres, parce que je ne serais plus dans la position, je pourrais driver l’agenda. Je pourrais vraiment finalement être dans la position de déterminer les priorités et d'agir, plutôt que seulement avoir à commenter, même de façon productive. Alors, oui je vous dirais, si j'avais pas été député, je ne serais probablement pas maire aujourd'hui. Mais de l’autre côté, c'est pas forcément parce que la politique me manquait, mais la politique au niveau municipal est vraiment différente. La proximité, oui, pas de partis politiques ici à Rimouski, donc ça aide beaucoup aussi. Ça donne une saveur différente.

Chloë Hill: Y a-t-il d'autres facteurs aussi qui contribuent, vous avez fait la comparaison entre, c’est ça, politique fédérale et municipale. Qu'est-ce qui, quoi d’autre vous vient à l'esprit en termes de différence?

Guy Caron: Bien, c'est ça, il n’y a pas de partis politiques. Tout le monde est indépendant. J’ai un conseil municipal de 11. Proximité. Imputabilité aussi, L'imputabilité, on est imputable directement, on a une période de questions. Imaginez si les citoyens venaient à la période de questions à tous les jours et posaient des questions directement au premier ministre. Pourtant, c'est ce qu'on veut comme conseil municipal, les citoyens viennent à chaque deux lundi. Et ils viennent questionner directement le maire sur des initiatives qui sont prises. Donc, ça c'est vraiment différent. Un autre élément, c'est aussi le fait que, on est des gouvernements de proximité. Oui, mais on n'a pas, on n'a pas les fonds qui viennent avec. On n'a pas la diversité économique non plus. Donc on a beaucoup de contraintes que n'ont pas les gouvernements provinciaux et fédéraux. Je vous donne un exemple, avec l’inflation, au fédéral et au provincial, alors qu'on était supposé être en difficulté pour pouvoir balancer le budget, on va avoir un surplus au fédéral, un surplus provincial. Pourquoi? Parce que l'inflation entraîne une hausse des coûts et du coût des biens et services, donc une hausse des revenus de la taxe de vente, donc une hausse des revenus de l'impôt des particuliers et des compagnies. Alors que nous, on a une taxe foncière qui monte pas, et on a des coûts qui montent selon le coût de la vie. Donc nous, quand les coûts montent de 8%, nos taxes ne montent pas de 8%. Alors on doit officiellement monter les taxes pour les gens. C'est basé, baser notre financement largement sur une taxe sur la richesse est je pense démodé, mais c'est la réalité avec laquelle nous sommes confrontés. Une grosse différence avec le fédéral/provincial. On n'a pas le droit de faire des déficits. On sait qu'au fédéral, au provincial, on s'en prive pas. Alors, il y a plusieurs éléments qui sont différents et qui entraînent d'autres défis auxquels je n'ai pas été confronté auparavant.

Chloë Hill: Et en quoi votre séjour à la Chambre des communes vous a-t-il changé?

Guy Caron: Je pense pas que ça m’a changé, honnêtement. Je pense pas être vraiment différent aujourd'hui que je l'étais auparavant, à part l'accumulation de l'expérience elle-même. J'ai toujours…Mon identité n’a pas changé comme député, elle n'a pas changé avant. Par rapport à avant que je sois député, ça n'a pas changé non plus depuis que je suis maire. Je ne vois pas pourquoi ça changerait, c'est mon identité qui a fait en sorte que les gens m'ont fait confiance. Alors, je ne vois pas pourquoi je changerais. Je ne vois pas pourquoi est-ce que je laisserais ça me monter à la tête ou changer de comportement par rapport à ça. C'est une question qui est un peu étrange. Et c'est une réponse qui est un peu étrange, mais vous me faites réaliser, j'ai pas changé.

Chloë Hill: Mais c'est bien, très bien!

Guy Caron: Je ne pense pas, peut-être que d’autres personnes pourraient vous dire que j'ai changé, mais je pense pas.

Chloë Hill: Et avez-vous des recommandations pour attirer et retenir les meilleur.e.s et les plus intelligent.e.s en tant que député.e?

Guy Caron: Non, non, il va y avoir, comme moi pour ceux qui sont, ce n’est pas une question d'être brillants ou intelligents, je pense une question d'empathie, puis une question de vouloir être utile. Je me demande à quoi ; autre le fait que c'est un exutoire pour les passions, ça nous permet de verbaliser tout ce qui pourrait autrement donner lieu à des débordements plus physiques ; je ne vois pas l'utilité du Parlement aujourd'hui. On a des gouvernements qui agissent comme des monarques pendant 4 ans, qui se foutent de l’opposition. On a des oppositions qui ne visent qu'à gagner des cycles de 24 heures. On n’a plus de réflexion, on prend la population, on élève pas le niveau du débat, donc on assume que les citoyens ne peuvent pas comprendre les débats plus sophistiqués, plus raisonnés. Honnêtement, c'est bien qu'on ait des gens qui soient intelligents, qui soient volontaires, mais les gens qui, qui le sont et qui désirent faire la marque des points de vue individuels, sont absorbés ou sont rejetés. J’ai pas vraiment de débat, mais je ne retournerai pas encore en politique fédérale aujourd'hui. Un, avec mon parti, c’est une question que vous aviez présentement, je renie pas le parti. Mais je suis revenu, vis-à-vis du parti, à la position que j'avais auparavant, c'est comme je dis, je suis sympathique au parti, mais je ne me représenterai pas, parce que ça représente plus vraiment ce que j'ai vu dans le parti sous Jack Layton. C'était vraiment lui qui m’avait amené. J'ai essayé d'apporter du changement et de le perpétuer aussi avec ma participation à la course à la chefferie en 2017. Je comprends que je n'avais pas la machine. Je comprends que je partais derrière tout le monde parce que j'étais le plus nouveau, le plus récent des députés qui se présentaient. J'ai mené une bonne campagne, j'en suis fier, mais il reste que le parti est redevenu ce qu'il était auparavant, c'est à dire une caution morale, une conscience morale qui n'est pas vraiment intéressée à, qui n'ont pas les moyens de pouvoir élever le débat et pouvoir amener des changements significatifs. On se fie sur des petites victoires en espérant que ça va se concrétiser avec l'augmentation de la popularité, peut-être plus de chances de faire élire trois ou quatre députés de plus. Ça, j'en ai assez. J'en ai assez, c'est plus productif. J'aime autant passer mon temps ici ou je peux faire vraiment une différence pour la vie des gens. On essaie de lutter contre les changements climatiques à Ottawa, mais avec un gouvernement qui décide d'ignorer tout ce que l'opposition peut lui donner. Puis l’opposition qui va, bien souvent, va tenter de faire en sorte que le gouvernement, paraisse mal plus que d'être productif dans la critique qui est présentée. J’aime autant travailler ici pour mettre en place des mesures pour que Rimouski puisse faire sa part à lutte contre le changement climatique. Mon travail est beaucoup plus utile ici, j’ai beaucoup plus de résultats concrets que j'en ai eu quand j'étais à Ottawa, même si j'en ai eu à Ottawa. Entre autres, les projets de loi dont on parle encore aujourd'hui, qui ont permis aux gens de Rimouski et d'ailleurs qui vendent la ferme familiale aux enfants de ne plus avoir à passer par des contorsions majeures de la Loi sur le revenu ou l'impôt sur le revenu pour pouvoir transférer sans avoir à hypothéquer leur fonds de retraite. C'était ça auparavant. Ça, c'est demeuré. Ce n’a pas été sous moi que ça a été eu, mais les gens savent que c’est moi qui ai présenté le projet de loi, que ça l’a été un cheval de bataille. Donc, je n'ai aucun regret sur mon expérience à Ottawa. Je suis juste content d'avoir passé à d'autres choses, puis là j’essaie de maximiser mon travail de maire du mieux que je peux. Ça fait un an déjà que mon mandat a commencé, il me reste trois ans avant la prochaine élection. J'espère faire au moins deux mandats, puis d'avoir changé et transformé Rimouski pour le mieux, d’ici la fin de ce deuxième mandat.

Chloë Hill: En répondant, vous avez fait un questionnement de la valeur du modèle du gouvernement et je me demande, avez-vous des suggestions qui pourraient apporter des bons changements au format?

Guy Caron: Bin, le plus évident pour moi, c'est d'y aller pour un proportionnel mixte. C'est clair, mais on n’ira certainement pas dans cette direction là. Honnêtement, je vois que même quand le NPD est au pouvoir dans les provinces, ils vont pas dans cette direction-là. Et pour moi, ça passe vraiment par là. Le système parlementaire britannique a été conçu pour un système bi-parti. On n'a plus juste deux partis, on est rendu à cinq partis. Ça marche plus! Alors, ce qu'on a besoin, c'est d'avoir une proportionnelle. Pas une proportionnelle pure, bien sûr on parle d’une mixte. Je ne commencerais pas à parler des différents systèmes. En général, ce que ça fait, c'est comme aucun parti n'a aucune chance ces jours-ci à pouvoir aller chercher 50% des voix. Une proportionnelle mixte, donc, basée sur les comtés, plus un excellent siège sur la base, sur la base de listes qui sont fournies pour pouvoir compenser l'écart avec popularité ou le montant de vote qu’ils ont obtenu. Bin, ça fait en sorte que si aucun parti ne peut avoir de majorité, ça force les partis à travailler, puis à aller chercher des compromis. C'est ça la politique, la politique c'est, c'est l'art du possible. C'est de pouvoir prendre des positions qui sont irréconciliables et tenter de trouver un juste milieu où personne aura ce qu'il veut à 100%. Mais tout le monde doit pouvoir mettre de l'eau dans son vin, négocier et en arriver à une entente. Dans les pays où il y a une proportionnelle mixte, c'est ce qui se passe. Dans les pays comme nous, ou avec 39% des voix on a 100% du pouvoir et dans une culture de plus en plus où on méprise l'opposition, c'est c'est invivable. Alors pour moi, la seule manière de pouvoir avoir un changement qui soit significatif, c'est d'avoir une proportionnelle mixte. Alors, éventuellement avant qu'on y arrive, il va falloir une implosion du système. 

Chloë Hill: Cela m'amène à la fin de mes questions. Merci encore monsieur Caron pour vos réponses généreuses et pour votre sagesse. Est-ce qu'il y a autre chose que vous voulez ajouter? 

Guy Caron: Pas vraiment. je demeure à votre disposition, si vous avez d'autres questions. Je ne veux pas que vous ayez l'impression que je suis négatif par rapport à mon expérience. J'ai adoré mon expérience. C'est un privilège qui est donné a très, très peu, très peu de gens de vivre ça. J’ai vécu, j'ai connu des gens exceptionnels dans tous les partis politiques, dans toutes les sphères du Parlement. On n’a même pas commencé à parler des employés, que ce soient les gardes de sécurité ou les greffiers, ou tous les gens qui font en sorte que le système puisse fonctionner et qui se dévouent, corps et âme. Mais il y a des éléments qui, comment je pourrais dire. Il y a des gens qui, il y a des députés qui sont là et qui s'en foutent. Ils sortent, ils ont vécu leur expérience, ils passent à autre chose. Mais, une frustration pour moi, c'est qu'il y a tellement de possibilités de rendre ça constructif, puis présentement on se contente de consuller dans une espèce de médiocrité, où l'on refuse de donner au Parlement le rôle qu'il devrait avoir, c'est à dire de grands rassemblements, de Grande Chambre des communes canadienne. Un endroit où l'ensemble des citoyens peuvent se retrouver. Présentement, si vous parlez aux citoyens, je suis persuadé qu’ils ne se retrouvent pas du tout dans la Chambre des communes.

Chloë Hill: Je suis en accord avec toi. Alors, mais encore une fois, je vous remercie de vous libérer pour cette occasion et c’est sûr qu'on vous tiendra au courant suite à l'évolution du projet. 

Cette entrevue a fait ressortir quelques éléments afin d’améliorer et assurer que le système parlementaire soit plus démocratique. 

Nous tenons à remercier encore une fois Guy pour sa contribution à ce projet. Dans notre prochain épisode, nous aurons une conversation avec Monsieur Jean-Claude Poissant, qui nous emmènera dans les coulisses de la Chambre des communes et soulignera l’importance de l’agriculture, de l’éthique du travail et de la famille.

Merci d'avoir écouté Les Personnages de la Chambre.

Un grand merci à tous les anciens et anciennes député.e.s et merci à vous d'avoir écouté Les Personnages de la Chambre.

L'équipe qui soutient ce balado est composée de Sabreena Delhon, Beatrice Wayne, Vijai Kumar, Colm O'Sullivan et David Moreau.

La chanson thème a été composée par Projectwhatever.

Nous sommes reconnaissants au Patrimoine canadien pour son soutien financier.

Le Centre Samara pour la démocratie est une organisation caritative non partisane. Notre mission est de réaliser une démocratie résiliente avec un public engagé et des institutions réactives. Pour soutenir notre travail, visitez samaracentre.ca et cliquez sur « faire un don ».

Ce balado fait partie du Projet d'entrevues avec les député.e.s sortants et sortantes. Pour en savoir plus sur ce projet et d'autres recherches, visitez notre site Web et suivez-nous sur Twitter et Instagram @thesamaracentre.

Si, comme nous, vous vous intéressez à l'aspect humain de la politique, aidez-nous à faire connaître notre balado. Évaluez et laissez un commentaire sur notre émission sur Apple Podcasts, vous seriez surpris de voir à quel point cela nous est utile. Parlez-en à vos amis. Et si vous enseignez, partagez cette émission avec votre classe. 

Merci de nous avoir écoutés.

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